Discours du président depuis son fief d’Oyo
Discours

Discours du président depuis son fief d’Oyo

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Discours du président depuis son fief d’Oyo

Opinion Internationale : Monsieur le Président, merci de recevoir Opinion Internationale. Quelques questions d’actualité pour commencer. L’Afrique centrale est en proie à de fortes tensions entre la RDC et le Rwanda. Craignez-vous un embrasement de la région ?
Denis Sassou Nguesso : Nous ne ménageons pas nos efforts. Nous avons notamment accueilli une importante réunion ministérielle du Comité consultatif permanent des Nations unies sur les questions de sécurité en Afrique centrale et nous appelons les parties à la retenue. Vous êtes depuis dix ans déjà à la tête du Comité de haut niveau sur la Libye. Pensez-vous vraiment que l’on sortira un jour de ce bourbier libyen ? Mon ministre des Affaires étrangères était récemment à Tripoli pour préparer un comité préparatoire en vue de la tenue d’une conférence inclusive de réconciliation nationale en Libye qui doit se tenir avant cet été. Si tout se passe bien. Toutes les parties ont intérêt à trouver une issue à cette crise libyenne, que ce soit l’Europe qui veut maîtriser ses flux migratoires ou l’Afrique qui voit progresser l’islamisme radical. Le Congo est un Etat laïc comme la France et l’article 1 de votre Constitution le stipule. Au Congo, ne souffrez-vous pas de la montée de l’islamisme radical et du djihadisme qui ensanglante de nombreux pays africains et qui, pour tout dire, dénature l’Afrique ? Certainement mais ces manifestations n’ont pas leur place chez nous.

Quand nous observons des manifestations de djihadisme aux frontières de la RDC, de l’Ouganda, du Mozambique, dans le bassin du lac Tchad, dans le nord du Cameroun, c’est à notre porte. C’est pourquoi nous accordons une grande importance à la résolution de la crise libyenne. La stabilité en Libye, c’est la stabilité dans toute l’Afrique.

Vous êtes parmi les dirigeants africains qui ont adopté une position neutre dans la guerre qui ravage l’Ukraine. Est-ce à dire que vous remettez au goût du jour ce mouvement des non-alignés dont vous avez été un des champions dans les années 80 ? Pour vous dire la vérité, après la chute du mur de Berlin et l’écroulement du Pacte de Varsovie, nous avions pensé que c’en était fini des grandes alliances militaires, notamment de l’OTAN. L’Alliance atlantique est restée. On a l’impression que se recrée une ambiance de guerre froide entre les Etats-Unis et la Russie. Dans ces conditions, nous cherchons à promouvoir le dialogue et la négociation. L’Afrique pourra proposer des solutions de sortie de crise.

Monsieur le Président, en décembre, vous avez participé à Washington au Sommet Etats-Unis – Afrique. Cet événement n’illustre-t-il pas en contre-point le recul de la France en Afrique ? En effet, la France n’a plus organisé de Sommet avec les chefs d’Etats africains depuis plusieurs années. Au fond, les années Macron ne sont-elles pas celles d’un rendez-vous manqué avec l’Afrique ? Dès son discours à Ouagadougou le 28 novembre 2017, Emmanuel Macron n’a-t-il pas trahi une règle de bienséance très africaine en humiliant, devant des jeunes, un ancien, de surcroît un président de la République, M. Kaboré. Finalement, ce moment fondateur de la relation d’Emmanuel Macron à l’Afrique n’annonçait-il pas la raréfaction voire l’abandon des Sommets Afrique France au niveau des chefs d’États ? C’est votre analyse mais ces Sommets se déroulaient me semble-t-il dans l’intérêt de la France. Si la France décidait désormais d’y renoncer, c’est son choix souverain. Il ne dépend que de la France et des États africains de leur donner un réel contenu. On ne va pas dire que Montpellier en octobre 2021 était un Sommet. C’était une rencontre, un colloque, un Forum mais c’est un excès de langage de parler de Sommet. En attendant, – cela n’aura pas échappé, j’imagine, aux dirigeants français -, d’autres États organisent ces rencontres au plus haut niveau : la Chine, la Russie, la Turquie, le Japon, l’Inde. Et en décembre dernier, à Washington, personne n’a donné d’ordres à personne. Joe Biden a mis 55 milliards de dollars sur la table pour le développement de l’Afrique dans les trois prochaines années et apporté son soutien à la demande de l’Afrique d’avoir un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies et au G20.

Source : Rfi.fr
Date : 06-02-2023